En ce lieu enchanté by Denfeld Rene

Auteur:Denfeld, Rene [Denfeld, Rene]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature américaine
Amazon: B00MI4N58U
Éditeur: 12-21
Publié: 2014-08-20T22:00:00+00:00

*

— Peut-être ce que vous appelez la magie ?

— C’est possible.

Sans réfléchir, elle pose sa main sur la sienne.

Leur geste en reste là. Le courant passe à nouveau entre eux, elle a le sentiment d’être reliée à lui, elle a rarement ressenti cela par le passé. Ils se laissent porter par l’instant. Elle lui est reconnaissante de ne pas retirer sa main, de ne pas se confondre en excuses, de ne pas chercher d’explications. Il a l’air d’accepter, tout simplement, et elle en a le cœur réjoui.

Elle en vient presque à regretter ce qu’elle est venue faire ici. Mais elle va quand même aller au bout, parce que c’est son travail et son client. Elle retire doucement sa main.

De la poche intérieure de sa veste, elle sort une petite seringue qu’elle a cachée là, sachant qu’elle passerait inaperçue des détecteurs de métaux. C’est le modèle en plastique que diabétiques et drogués utilisent couramment, vendu au poids dans les drugstores et fourni gratuitement dans la rue aux héroïnomanes, dans l’espoir de réduire la propagation des maladies. Il lui a suffi de cinq minutes dans une pharmacie pour s’en procurer une.

Le prêtre considère la seringue dans sa main. La dame sait ce qu’il pense : me suis-je fait berner ? Pourtant il sait bien que ce n’est pas le cas, il connaît le motif de sa visite, mais il y a eu autre chose. Pour une fois, il a l’impression de comprendre :

— J’ai besoin d’un échantillon du sang de York, dit-elle. Il faut que vous alliez le voir pour lui demander de remplir cette seringue. Ensuite, vous refermerez le tube et vous me le ferez passer aussi vite que possible.

— Je ne sais pas prélever du sang.

— Peu importe. York sait. Il est en prison depuis des années. Il deale la blanche N° 4.

— Pardon ?

— Trafic d’héroïne, dans l’argot des prisons. La nôtre est loin d’être clean, soit dit en passant. Ceux qui se piquent à l’héro veulent qu’on les envoie ici parce que l’approvisionnement y est excellent. York saura prélever l’échantillon lui-même. Ah, et n’oubliez pas de mettre des gants pour prendre la seringue.

Le prêtre regarde les yeux noirs et tristes de la dame.

— Que dois-je lui dire ?

— La vérité. Que la dame a besoin de son sang.

— Et s’il refuse ?

— Il ne refusera pas.

— Pourquoi pas ?

Elle fouille dans son sac et en tire une photo de Troy Harney prise à la fin de sa visite. La nuit était tombée et, dehors, l’obscurité avait envahi les bois. Troy l’avait invitée à rester, mais elle avait gentiment décliné l’offre, percevant son excitation d’homme seul. Elle n’avait pas envie de se dépêtrer d’un homme qui viendrait la rejoindre dans son lit, même d’un homme poli qui saurait entendre un refus. Alors elle lui avait dit non merci, mais s’il vous plaît, laissez-moi prendre une photo ici, dans la cuisine. Troy Harney avait accepté, et c’était cette photo-là, avec ses yeux bruns rougis par le flash.

— Dites-lui que j’ai trouvé Troy.

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